Historique

Le village de Villechantria, anciennement commune regroupée avec celui de Liconnas, fait désormais partie de la commune nouvelle de Val Suran. Certains aspects historiques concernent l’ensemble de ce nouveau territoire : le Suran et sa vallée, la voie romaine qui le longe… Ils sont donc traités dans la page historique du site de Val Suran. Mais d’autres sujets concernent spécifiquement notre très ancien village et sont développés ici.

Avant-propos

Il serait injuste de ne pas mentionner avant toute chose le remarquable travail de Marius VEYRE, journaliste et spécialiste en histoire, édité en 1965 par la mairie de Saint-Julien-sur-Suran et sa commission Tourisme et Loisirs, sous la forme d’un fascicule (couverture ci-contre) dans lequel il a été largement puisé pour rédiger ces pages.

Comme M. Veyre le dit lui-même en préambule : « on est pauvre en fait de détails historiques sur cette région du sud du Jura. À l’exception de Gigny, les ouvrages et documents consultés parlent rarement de Saint-Julien et des communes qui l’entourent.» 

Depuis l’époque gallo-romaine (illustrée par la présence de la voie romaine), et bien plus avant, l’histoire des habitants de notre commune est probablement restée longtemps identique à elle-même, en un cycle continu de vie rurale n’ayant pas justifié d’en identifier les étapes par des écrits.

Couverture de l'historique du canton de Saint-Julien

Peut-être depuis l’âge du bronze ?

L'Epona de Loisia statuette antique

Selon certains archéologues, le lieu (c’est-à-dire les deux implantations jumelles de Villechantria et Liconnas de part et d’autre de la rivière) serait très probablement de très ancien peuplement (pouvant remonter à l’âge du bronzeà cause de sa configuration privilégiée : plusieurs sources décrites comme « intarissables », une position stratégique en surélévation de part et d’autre de la vallée, à la fois proche des terrains cultivables et à l’abri des inondations, et la protection naturelle offerte par la falaise attenante à la source de la Balmette. Sans parler de la ressource alimentaire que pouvait constituer la rivière elle-même. À partir du retrait des derniers glaciers, il pourrait bien avoir toujours été habité !

Pour l’instant, toutefois, aucun vestige de telles implantations précoces n’a jamais été retrouvé.

La voie romaine

[Pour les aspects généraux concernant la traversée de la commune de Val Suran par une ancienne voie romaine allant de Lyon à Besançon en suivant la vallée du Suran puis en tournant vers Orgelet, reportez-vous à la description qui en est faite ici sur le site de Val Suran.]

Sur la VIA ROMANA

Le nom du vieux chemin « sur la vie » qui a donné naissance au lieu-dit cadastral « sur la ville » ainsi que celui de « la vie blanche » un peu plus haut sont caractéristiques : ils décrivent presque toujours une voie antique.

Cette voie (vie = via) est effectivement un trajet secondaire, allant d’Arinthod vers Lains, Villechantria et Nantey, dérivé du trajet principal de la voie romaine allant de Lyon à Besançon par Orgelet. Le choix d’implantation ultérieur d’une ancienne commanderie des Templiers sur la roche Saint-Maurice serait à relier au fait que cette voie aurait aussi été une des routes de Compostelle.

Tracé probable

Si on confronte l’actuelle carte IGN (ci-dessous) à l’extrait de la carte d’État-major de 1835 (antérieure à la création de la D117), ci-dessous également, on voit que les chemins de desserte d’alors traversaient le centre des villages, et en particulier celui de Broissia pour pouvoir en utiliser le pont ancien. On peut en déduire le tracé probable du chemin antique qui suivait le Suran.

Lors de la réalisation de l’actuelle départementale, il a sans doute été choisi, par commodité, de la faire passer à l’extérieur des villages. Dans notre commune, l’ancien chemin, devenu chemin de desserte rurale est alors resté identifié dans la mémoire collective en tant que « voie romaine », de manière vivace et indiscutable. Il ne comporte aucun vestige, ni borne ni dallage, mais il était encore utilisé par certains habitants il y a quelques dizaines d’années. Malheureusement la mise aux normes de la départementale et de son fossé en a condamné le débouché vers le sud. Inclus par erreur en partie dans une parcelle privée à l’occasion du remembrement, il ne doit être considéré, en l’état actuel, que comme un vestige du tracé de la voie.

L'Epona de Loisia statuette antique

Sur le tracé de la voie romaine à Villechantria en 2003

Cadastre de la section "sur la ville" à Villechantria

Cadastre montrant les lieux-dits « Sur la ville » et « La vie blanche » ainsi que l’actuel chemin de la voie romaine conservé dans la mémoire populaire (cliquez pour agrandir)

Tracé probable de l’ancienne voie romaine (cliquez pour agrandir)

Carte d’état-major 1835 (cliquez pour agrandir)

Les sépultures burgondes

Exemple de sépulture burgonde à dalles assemblées

Exemple de sépulture burgonde à dalles assemblées

Les Burgondes, étaient un peuple germanique qui a très tôt participé aux invasions barbares de la fin de l’Antiquité et du début du Moyen-âge. À la fin du Ve siècle, profitant du déclin de l’Empire romain, ces Burgondes fondent un royaume qu’ils étendent vers le quart sud-est de la Gaule. C’est ainsi qu’ils se sont implantés, entre autres, dans la vallée du Suran. Cependant, dès 534, ce royaume est intégré au royaume des Francs mérovingiens, dans le cadre duquel, à la fin du VIe siècle, il prend le nom de Royaume de Burgondie ou Royaume de Bourgogne, dont est issu le nom actuel de la Bourgogne. Ces Burgondes se sont ensuite fondus dans la population locale au cours du VIIe siècle. Cet historique explique pourquoi on parle d’eux, localement, indifféremment en tant que Burgondes ou Mérovingiens.

On possède deux témoignages de leur présence à Villechantria :

Au Tilleul Saint-Maurice

À l’est du village, au pied de la montagne, se trouvaient deux tumulus. L’un d’eux a été fouillé et contenait deux ou trois étages de sépultures à dalles assemblées et quelques sarcophages en grès (creusés dans d’énormes blocs). Aucun mobilier sauf de la poterie grossière. Les sarcophages et l’absence de matériel suggèrent une occupation tardive et de caractère permanent.

Au lieu-dit « sur la ville  » (déformation de sur la vie = sur la voie …romaine)

En 1934, lors de la construction de la fromagerie de Villechantria (actuelle maison Fillod, le long de l’ancien tracé de la « voie romaine »), en faisant des fondations de caves, on a trouvé des squelettes bien alignés ayant sur la tête une pierre plate servant de sépulture. Ils étaient étendus nord-sud, reposant sur un lit de sable, détails caractéristiques des tombes burgondes selon les antiquités de Franche-Comté. Cette découverte est considérée comme suffisamment significative pour qu’il ne soit pas possible de construire le long de ce chemin sans faire effectuer préalablement des fouilles par les autorités compétente.

Ancienne fromagerie de Villechantria  sous laquelle ont été retrouvées des sépultures burgondes en 1934. Juste après commence l’actuel Chemin de la voie romaine. 

Caricature de roi burgonde créée par Alexandre Astier pour sa série télévisée Kaamelott, et interprété par l’excellent Guillaume Briat.

Les templiers

Tableau représentant Hugues de Payens, Grand maître de l'Ordre du Temple

Peinture conservée au château de Versailles
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« Les Templiers firent construire une chapelle sur la roche de Saint- Maurice, au-dessus et sur le territoire actuel de Villcchantria. Cette chapelle, probablement fortifiée, a fait donner le nom de commanderie; c’est ainsi qu’on la nomme encore aujourd’hui par les uns, château-fort par d’autres. Elle existait encore en 1758 puisqu’elle figure sur les plans conservés aux archives de Lons-le-Saunier et à l’hospice de Saint-Julien. Elle a sans doute été démolie pendant la Révolution ; il n’en reste plus que des ruines. Son emplacement est visible, on le remarque par un groupe de trois tilleuls au- dessus d’un rocher. » (M. Veyre)

« Deux tilleuls datant de la domination espagnole furent plantés à l’occa­sion du mariage d’Albert et d’Isabelle d’Espagne. Le premier, appelé tilleul de Saint- Maurice, était situé sur une roche nue au sommet de la montagne, tout près de la chapelle templière que l’on appelle encore la commanderie. » (M. Veyre)

Ces éléments, tirés une fois de plus de l’opuscule de Marius VEYRE, donnent les éléments attestant de la présence d’une chapelle fortifiée sur la roche Saint-Maurice qui surplombe Villechantria. L’emplacement, des ruines, est repérable par le groupe de trois tilleuls qu’on peut distinguer au centre de la photo ci-dessous.

La roche Saint-Maurice à Villechantria et les 3 tilleuls templiers

La roche Saint-Maurice surplombant Villechantria
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Sceau des templiers - 2 chevaliers sur 1 cheval

Cette présence est à rapprocher du nom du village qui nous est mitoyen, Montagna-le-Templier, Celui-ci proviendrait du don (de la part de Manassès de Coligny, qui entra dans cet ordre de 1212 à 1220)  à « l’ordre du temple de Montagnat, en 1227, de terres comportant les villages de Broissiat, Eperignat (actuellement Montfleur) et Sainte Fontaine (actuellement la Balme d’Epy) » mais il n’est pas certain que les croisés destinataires de ces dons aient pu en profiter et n’aient pas tous péri en « terre sainte »… Ces éléments seraient confirmés par « une charte de 1227 conservée aux archives de Besançon et munie de quatre sceaux suspendus » (M. Veyre)

À ce sujet, et toujours pous signaler une implantation locale forte de cet ordre, M. VEYRE, signale que le quatrième grand maître de l’ordre, de 1151 à 1153, fût Bernard de Dramelay. L’église de Villechantria comporte, pour sa part deux vitraux aux signes templiers, tandis que l’église de Montagna-le-Templier est décrite ainsi : 

croix templière« L’église de Montagna-le-Templier, sans doute relevée sur les fondations d’un édifice plus ancien, offre le plan de la croix latine, comme toutes celles qui avaient été bâties par les Templiers. La croix latine était en effet le signe distinctif de ces chevaliers, qui la portaient en rouge sur leurs manteaux et leurs enseignes blanches . » (M. Veyre)

Une page bien documentée et consacrée à l’histoire des terres de Savoie, évoque aussi bien l’histoire de Coligny et des croisés que les conflits incessants qui ont émaillé tout le moyen-âge pour la possession de tels ou tels territoires, et l’impact terrible des grandes pestes du haut Moyen-âge sur les ambitions des uns et des autres.

Templier à cheval, peinture ancienne

Fresque sur un site templier en Cornouailles (Angleterre), (cc) Simon Brighton (cliquer pour agrandir)

Templiers jouant aux échecs, tiré du « Libro de los juegos  »  Monastère de l’Escorial, Espagne (DP) (cliquer pour agrandir)

Féodalités

Une fois de plus, la pauvreté de la documentation écrite sur notre village, sur au moins deux mille ans d’histoire, alliée au très petit nombre d’éléments matériels disponibles, signe simplement un village rural très modeste, mais ancien, qui a subi les tribulations de propriété et de dépendance, aux nobles comme aux religieux, tribulations qui ont été le lot commun des gens du peuple pendant des centaines de générations. M. Veyre ne nous donne, à ce sujet que les quelques éléments ci-contre. 

Escalier de l'ancienne cure à Villechantria

Face à la source de la Balmette, l’escalier de l’ancienne cure : la partie la plus ancienne de Villechantria (cliquez pour agrandir)

Source de la Balmette à Villechantria

La source de la Balmette sortant de sa petite grotte (cliquez pour agrandir)

« Parmi les différents territoires auxquels Aymon, prieur de Gigny, asso­cia, en 1191, le comte Etienne II de Bourgogne, figure Chantria. Cependant ce nom doit être plus ancien, car sur son emplacement, dans le lieu dit en Saint-Maurice, se trouvait un cimetière païen.

Le nom de Villechantria viendrait de ce que les habitants de Villechantria de­vaient des redevances aux chantres de Gigny.

Au début du XIIIe siècle, la paroisse de Villechantria figure dans les pouillés du diocèse de Lyon ; elle était une annexe de celle de Saint-Julien. L’église fait suite à la chapelle castrale de Saint-Maurice. Le chœur date du XIVe siècle et le tabernacle du XVIe siècle. Une partie de la nef et le clocher ont été agrandis de 1884 à 1886. »

« L’ancienne cure, très vieille demeure, est située près d’une petite grotte appelée La Balmette d’où jaillit une source qui alimente le village, possède un curieux escalier en pierre qui a tenté bien des peintres. » (M. Veyre)

Intérieur de l'église de Villechantria

L’intérieur de l’église de Villechantria et son chœur (cliquez pour agrandir)